Jean d'Ormesson

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Jean d'Ormesson

Jean d'Ormesson, surnommé « Jean d'O », de son nom complet Jean Bruno Wladimir François-de-Paule Le Fèvre d’Ormesson, né le 16 juin 1925 à Paris (VIIe arrondissement) et mort dans la nuit du 4 au 5 décembre 2017 à Neuilly-sur-Seine, est un romancier et chroniqueur français.

Romans[modifier]

Presque rien sur presque tout[modifier]

Pour l’esprit le plus obtus, rien de plus évident : le tout est réel dans le temps parce qu’il était possible dans l’éternité. Peut-être faut-il aller plus loin et dire que le tout est réel dans le temps parce qu’il était nécessaire dans l’éternité.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 21


Le temps est le cœur du tout distingué du néant. Se pencher sur le tout, c’est se pencher sur le temps. Le temps est notre patrie, notre bien à tous, notre matière et notre âme. Il est aussi près de nous que l’éternité en est loin. Nous avons du mal à parler de l’éternité parce qu’elle nous est trop étrangère. Nous avons du mal à parler du temps parce qu’il nous est trop familier. Mais de quoi parler d’autre ? Le tout appartient à l’être qui l’a fait surgir du néant. Et il appartient au temps à qui l’être l'a confié.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 27


Le temps n’est pas l’éternité. L’éternité est une absence de temps. Le temps est un refus d’éternité. Le temps a commencé. Il finira. Si le temps n’avait pas commencé, s’il ne finissait pas, il serait lui-même l’éternité.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 27, 28


Le tout commence avec le temps : il se dégage du néant parce que le temps s’en empare. Tombé de l’éternité, le temps est lié à quelque chose de nouveau que nous appelons la matière. La matière est de l’être menacé par le temps. Il est au moins douteux qu’il y ait du temps sans matière. Il est tout à fait sûr qu’il n’y a pas de matière sans temps.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 29


Des philosophes ont prétendu que ni la matière ni le temps n’avaient de réalité autonome et qu’ils n’existaient, en vérité, que dans l’esprit des hommes : s’il n’y avait pas d’hommes, il n’y aurait pas de temps et il n’y aurait pas de matière. La lecture que nous proposons de l’univers sur le mode de la fable suppose qu’il y a un tout et que les hommes s’y succèdent. Et qu’il y a du temps qui s’écoule dans le tout avant qu’il y ait des hommes pour le penser. Sur cette fable tombent d’accord et saint Thomas d’Aquin et le bistrot du coin.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 29


Le caractère du temps est autrement difficile. Il est plus pâle que son frère [l’espace], plus remuant, plus secret, plus difficile à cerner, à juger et à connaître. Plus intelligent aussi. Et moins sûr. C’est un personnage cruel, nerveux, changeant, porté sur le paradoxe, d’une instabilité maladive, toujours prêt à trahir ses amis les plus chers. On dirait qu’il ne dort que d’un œil, qu’il est debout sur une patte, qu’il attend à chaque instant l’occasion de quitter la compagnie et de filer parce qu’il s’ennuie. Faire fond sur lui est une folie où beaucoup se sont laissé prendre.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 34


Le passé est faible parce qu’il est mort. Le passé est très fort parce que personne, jamais, et même pas Dieu, ne pourra faire en sorte qu’il n’ait pas existé. Le passé est du temps tombé dans le néant et frappé d’éternité.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 44


Voici l’avenir qui s’amène. Il frappe à la vitre, il cogne à la porte. Il est impatient d’arriver. Le passé est la patience même : il attend sans se lasser. L’avenir est impatient. Peut-être parce qu’il est lié au souvenir et aux cultes des morts, le passé a quelque chose de religieux. L’avenir a quelque chose de militaire. Le passé joue de l’orgue. L’avenir sonne le clairon. Le passé est derrière. Derrière quoi ? On ne sait pas. L’avenir est devant. On dirait, ne me demandez pas pourquoi, que le passé est féminin. Des fruits. Des parfums. Des assiettes et des draps empilés dans les armoires. Une odeur entêtante de foin coupé et de bois. L’avenir est affreusement viril. Même s’il arrive aux femmes de le dominer, ce sont des rêves d’hommes qui l’habitent. L’argent, le pouvoir, la violence, les machines sont du côté de l’avenir. Le feu de la cheminée est du côté du passé. Le passé est tiède comme un corps de femme. L’avenir est un glacier qui brille sous le soleil.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 47


La science domine tout ce qui est dans le temps – mais seulement ce qui est dans le temps. Rien ne lui échappe – sauf le temps. Le temps garde en lui et protège le mystère des origines. Il nous nargue. Il nous livre tout ce qui se déroule grâce à lui et en lui. Mais son être et son sens, il nous les refuse avec constance.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 54


C’est à la fin des temps qu’on saura si le tout a été fait pour les hommes ou si les hommes n’ont été qu’une étape sur le chemin du tout. Une sacrée étape en tout cas. Dans la longue histoire du tout, j’aurai toujours un faible pour le temps assez bref où les hommes auront vécu, dans l’angoisse et dans l’orgueil, sur cette planète reculée, perdue au fond de l’univers et qu’ils appelaient la Terre.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 105


Nous sommes condamnés à la pensée comme nous sommes condamnés au temps et à la liberté. Il est un peu gauche pour un homme de parler de pensée, car il ne peut rien en dire qu’en se servant de la pensée, ou de ce qui lui tient lieu. Ce qui le précipite aussitôt dans un cercle vicieux et dans un tourbillon dont personne ne peut sortir et qui donne le vertige. Penser la pensée est le plus drôle, le plus cruel, le plus dangereux des drôles de jeux.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 138


À ceux qui croient que la création est comme attirée, depuis le début, vers la naissance de l’homme, les partisans d’une nécessité rigoureuse et aveugle, de mèche avec le hasard, ont le droit d’objecter qu’il s’agit d’une conception mythique et quasi mystique, entièrement centrée sur l’homme, fondée sur sa faiblesse et son orgueil mêlés et sur son besoin d’être rassuré comme un enfant dans la nuit : c’est parce qu’ils sont des hommes que les hommes s’imaginent que l’univers a été créé pour les hommes.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 140


À ceux, en revanche, qui s’imaginent que la nécessité seule, assaisonnée d’un peu de hasard comme le vinaigre se mêle à l’huile pour faire une bonne salade, peut expliquer le monde, les partisans d’une sagesse suprême et d’une volonté extérieure répondront qu’une telle conception est mécanique et réductrice, qu’elle suppose déjà résolus les problèmes qu’elle aborde et qu’elle laisse entier le problème du tout, de ses origines, de son sens et de ses fins.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 140, 141


La pensée n’est pas liée, comme l’instinct chez les fourmis ou chez les abeilles si laborieuses, à telle ou telle situation. Elle n’est pas liée à tel ou tel objet. Elle est une ouverture au tout. L’homme, qui est un animal, n’est plus un animal. Il est autre chose. D’une certaine façon, il est le tout. Parce qu’il le pense.

  • Presque rien sur presque tout, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 1996  (ISBN 2-07-074439-6), p. 144


C'est une chose étrange à la fin que le monde[modifier]

Nous venons tous de la même source. Nous sortons tous de la même matrice. Nous sommes tous des Africains modifiés par le temps.
  • C'est une chose étrange à la fin que le monde, Jean d'Ormesson, éd. Robert Laffont, 2010, p. 30


La seule différence qui compte est imposée par le sexe : il y a des hommes et il y a des femmes, et il faut un homme et une femme pour qu'il y ait un enfant. Pendant des milliers de millénaires, et jusqu'à nous en tout cas, les deux sexes s'unissent pour que l'histoire continue.

  • C'est une chose étrange à la fin que le monde, Jean d'Ormesson, éd. Robert Laffont, 2010  (ISBN 978-2-221-11702-6), p. 30


Ce n'est pourtant pas compliqué : le temps passe et je dure, l'histoire se déroule et l'être est. Derrière les tribulations du monde, il y a quelque chose qui lui permet de changer sans cesse et de rester le même à travers les changements : c'est moi. L'herbe pousse, les enfants meurent. Derrière le monde qui se fait et s'écroule, qui ne se fait que pour s'écrouler, qui s'écroule et se refait, il y a cet être immobile, éternel, infini, hors de l'espace et du temps, qui hante l'esprit des hommes plongés dans l'espace et dans le temps et guettés par une mort dont il leur est interdit, à eux qui comprennent tout, qui changent tout, qui se croient la fin de tout, de jamais rien savoir.

  • C'est une chose étrange à la fin que le monde, Jean d'Ormesson, éd. Robert Laffont, 2010  (ISBN 978-2-221-11702-6), p. 63


Dieu est hors du temps. mais il est aussi dans le temps, parce que les hommes qui le pensent, qui l'adorent, qui le combattent sont emportés dans le temps. Dieu est éternel, et il a pourtant une histoire — qui est l'histoire des hommes.
Dans cette histoire de Dieu et des hommes, il y a, entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXIe, un peu plus de cent cinquante ans qui sont rudes pour un Dieu dénoncé et traqué par les hommes.

  • C'est une chose étrange à la fin que le monde, Jean d'Ormesson, éd. Robert Laffont, 2010  (ISBN 978-2-221-11702-6), p. 101


La science d'aujourd'hui détruit l'ignorance d'hier et elle fera figure d'ignorance au regard de la science de demain. Dans le cœur des hommes il y a un élan vers autre chose qu'un savoir qui ne suffira jamais à expliquer un monde dont la clé secrète est ailleurs.

  • C'est une chose étrange à la fin que le monde, Jean d'Ormesson, éd. Robert Laffont, 2010  (ISBN 978-2-221-11702-6), p. 113


J'espère que les hommes ne souffriront pas toujours. Ou qu'ils souffriront un peu moins. J'espère qu'il y aura enfin un peu de bonheur pour ceux qui n'en ont jamais eu. J'espère — est-ce assez bête ! — que la justice et la vérité, si souvent contrariées, sont, ici-bas d'abord, et peut-être même ailleurs, autre chose que des cymbales et des illusions. Il faut toujours penser comme si Dieu existait et toujours agir comme s'il n'existait pas.
Il y a, chez les hommes, et seulement chez les hommes, un élan vers la beauté et vers la vérité et une soif d'espérance.
Tout est bien.

  • C'est une chose étrange à la fin que le monde, Jean d'Ormesson, éd. Robert Laffont, 2010  (ISBN 978-2-221-11702-6), p. 291, 292


Toute la littérature occidentale sort de l’Iliade et de l’Odyssée où sont déjà présents les thèmes de la guerre, des voyages, de l’amour, de l’amitié, des passions.
  • C'est une chose étrange à la fin que le monde, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2010, p. 18


C'était bien[modifier]

L'art n'a que les ressources de la vie de chacun: il change ce plomb en or.


Rien n'est plus difficile pour chacun d'entre nous que de situer ce qu'il a fait et de se situer soi-même à sa juste mesure.


Peut-être Bach et Mozart composaient-ils des cantates et des airs d'opéra pour exprimer leur joie. Peut-être les peintres peignent-ils parce que le monde est beau. Je crois que les écrivains écrivent parce qu'ils éprouvent du chagrin. Je crois qu'il y a des livres parce qu'il y a du mal dans le monde et dans le cœur des hommes. Personne n'écrirait s'il n'y avait pas d'histoire. Et le moteur de l'histoire, c'est le mal.

  • C'était bien (2003), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2005  (ISBN 2-07-031653-X), p. 70


Subsiste encore un doute. Si clair, si évident, le progrès de la science ne suscite-t-il pas plus de questions qu'il ne fournit de réponse ? La réalité — qui n'est peut-être qu'un songe appelé réalité — est si prodigieusement inépuisable qu'elle n'en finit jamais de déborder toutes les tentatives d'exploration et de renvoyer sans fin à autre chose. On marche toujours, on n'arrive jamais. La science est un grimpeur qui, au faîte de chaque pic, découvre toujours d'autres sommets qui lui dérobent l'horizon. Une malédiction frappe la science qui court de succès en succès : tous ses triomphes, et ils sont réels, sont des victoires à la Pyrrhus.

  • C'était bien (2003), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2005  (ISBN 2-07-031653-X), p. 85


La science qui nous empêche de souffrir nous invente d'autres souffrances. La science qui guérit et fait vivre est aussi la science qui tue. La science qui nous donne le pouvoir sur le monde est aussi la science qui nous retire tout pouvoir et qui risque, un jour, de nous retirer le monde.

  • C'était bien (2003), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2005  (ISBN 2-07-031653-X), p. 90


Dans ce coin-ci au moins de la planète, dominé par la science et la télévision, enfants de Voltaire, de Flaubert, d'Oscar Wilde, d'André Gide, de Queneau, si différents les uns des autres mais liés par un sens aigu de ce qui pouvait encore être écrit sans trop de ridicule, nous sommes entrés dans une culture de la distance et de la dérision. D'un côté, la science, il n'y a pas de quoi se tordre, qui nous fabrique notre avenir ; de l'autre, sous des rafales d'images, une lassitude et un dégoût mêlés de cris de douleur et de rires un peu fêlés : je crois que tout le monde les entend. Quelque chose à craqué. Nous ne sommes pas encore dans un monde différent. Mais, sans presque le savoir, nous ne sommes déjà plus les mêmes. Pas encore ailleurs. Mais déjà plus ici.

  • C'était bien (2003), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2005  (ISBN 2-07-031653-X), p. 98


« Himmelhoch jauchzend, zum Tode betrübt ». J'étais gai, j'étais triste. J'étais fou de bonheur. Et accablé de chagrin. La vie m'a toujours paru délicieuse — et le monde, plein de larmes. Il y a du mal sous le soleil et je doute que l'histoire en vienne jamais à bout. Je ne crois pas que demain sera débarrassé du mal qui affligeait hier. Rêver d'un monde parfait qui brillerait devant nous est d'une naïveté meurtrière : beaucoup ont souffert et sont morts sous le prétexte, séduisant et criminel comme Lucifer lui-même, de changer le monde en paradis et de rendre aux hommes leur innocence.

  • C'était bien (2003), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2005  (ISBN 2-07-031653-X), p. 134


À mesure que la science tranche les faces de Gorgone, de nouvelles têtes poussent à l'hydre pour poursuivre le travail et répandre la terreur. Aucun d'entre nous n'est à l'abri du mal qui frappe à coups redoublés. Ce mal — dont le christianisme nous parle avec génie sous les espèces du péché originel et, d'une certaine façon, de l'Incarnation, sacrifice inversé et suprême, offert non plus par les hommes à Dieu mais par Dieu aux hommes pour racheter le mal de l'histoire — ne peut ni s'effacer ni triompher.

  • C'était bien (2003), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2005  (ISBN 2-07-031653-X), p. 138


Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit[modifier]

L'histoire devient une espèce de kaléidoscope en délire, où ne cessent de se succéder, et de plus en plus vite, des images éblouissantes et dépourvues de sens. Les frontières éclatent, les distinctions s'effacent. Chacun est lié aux autres par les ondes et la toile. La campagne disparaît peu à peu. les villes s'étendent et se rejoignent. Surgelées et contagieuses, les modes et les passions se transmettent à la vitesse de la lumière. les supermarchés, les désirs, les idées se ressemblent. Les langues déclinent et meurent. l'orthographe se délite. Un sabir se répand. Les sexes se confondent. les couleurs s'affadissent et perdent de leur éclat. Pour le meilleur et pour le pire, l’universel et l'unité sont au bout du chemin. l'entropie se déchaîne. les hommes commencent à deviner que leur destin est de disparaître dans l'avenir comme ils ont apparu dans le passé. Et ils se demandent ce qu'ils font là.
  • Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2013, p. 98


La joie. Loin de nous enfoncer dans le monde à la façon du plaisir et du bonheur, elle nous en détacherait plutôt. Elle est religieuse et rebelle. Elle est métaphysique, elle éclate comme un tonnerre. Elle détruit tout sur son chemin. Elle se consume elle-même, elle s'oublie, elle se nie. Il y a quelque chose dans la joie qui ressemble à l'adoration. Elle nous élève au dessus de nous. Elle nous transporte ailleurs. Elle nous ouvre les portes d'un univers inconnu et plus beau que le notre, elle jaillit de notre monde et elle nous en montre un autre où règne la beauté.
  • Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2013, p. 153


Qu’ai-je donc fait[modifier]

La médiocrité est portée aux nues. Les navets sont célébrés comme des chefs-d'œuvre. Ce qui sera oublié dans trois ans est l'objet d'un tintamarre qui finit par rendre insignifiant pêle-mêle le meilleur et le pire. Les œuvres dignes de ce nom ne manquent pas autour de nous. Elles sont emportées dans les flots de la nullité acclamée.


Je n'écris, pour ma part, ni un roman ni des Mémoires. J'essaie de comprendre le peu que j'ai fait et comment tout cela s'est emmanché. Je n'écris pas pour passer le temps ni pour donner des leçons. Je n'écris pas pour faire le malin ni pour ouvrir, comme ils disent, des voies nouvelles à la littérature. Pouah ! Je n'écris pas pour faire joli ni pour défendre quoi que ce soit. J'écris pour y voir un peu plus clair et pour ne pas mourir de honte sous les sables de l'oubli.


La littérature vivante d'aujourd'hui, qui m'a si souvent emmerdé avec son sérieux implacable et son pédantisme expérimental et toujours avorté, je lui rends bien volontiers la monnaie de sa pièce et je l'envoie se faire foutre avec beaucoup de gaieté. Je ne sais pas si je serai encore vivant demain, mais je suis sûr que la littérature vivante d'aujourd'hui, qui, avec son intolérance de donneuse de leçons et ses fanfaronnades de mauvais sentiments, est l'exact pendant, inversé et beaucoup plus prétentieux, de la crétinerie des pompiers de la peinture et de la littérature de la fin du XIXe siècle, sera morte avant moi — si elle n'est pas déjà morte.


Ne lis pas n'importe quoi. Lis plutôt les grands livres dont tout le monde parle sans les lire.


Les espérances sont comme les femmes : les plus belles ne sont pas plus pas inaccessibles que les autres. Mieux vaut viser Rimbaud ou La Bruyère et rester loin derrière que viser Bordeaux ou Feuillet ou Sartre ou Eugène Sue et risquer de les atteindre.


Le vent du soir[modifier]

Nietzsche, Wagner, Karl Marx, Rimbaud, Dostoïevski, se révoltent contre les menaces obscures qu'ils devinent dans l'avenir. L'exploitation des plus faibles se combine insidieusement avec un moralisme de facade. L'hypocrisie triomphe. Le conformisme des esprits avance à pas de géant. L'aventure, le charme, l'indépendance morale livrent des combats d'arrière-garde. Une espèce de grisaille s'étend sur l'univers.


Toutes les scènes du passé qui s'animaient pour moi sur la terrasse de San Miniato, je ne leur accordais pas une importance démesurée. Je ne crois pas que le passé suffise pour comprendre l'avenir. Je vais jusqu'à penser que l'idée, si répandue, qu'il l'éclaire et l'explique ne signifie pas grand-chose. Ce qui est vrai jusqu'à l'évidence, c'est que le passé construit le socle sur quoi s'élève le présent, c'est qu'il accumule les conditions de toute histoire future. Le propre de la vie est de jaillir spontanément. Toujours l'inattendu a le plus de chances de survenir. Mais il faut d'abord qu'il parte de ce qui existe. Et que ce qu'on n'attend pas sorte de ce qu'on connaît. L'histoire est la contrainte de la vie. Le passé est ce qui empêche l'avenir d'être n'importe quoi.


Parmi les cent mille morts russes de la bataille de Moukden figurait le cadavre du capitaine Nicolas. Une des sources dont je m'inspire pour raconter son histoire indique qu'un sourire flottait sur le visage gelé de l'officier de fortune et qu'au milieu des neiges où le sang des soldats laissait des traînées rouges, il avait l'air heureux.
  • Le vent du soir, Jean D'Ormesson, éd. Éditions Jean Claude Lattès, 1985, p. 365


Tous les hommes en sont fous[modifier]

Une des fonctions les plus mystérieuses et les plus constantes du temps est d'élever le hasard à la dignité de la nécessité. Le monde avance à coups de rencontres et le temps qui passe les transforme en fatalité.
  • Incipit
  • Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, éd. Éditions Jean Claude Lattès, 1986, p. 19


Mais moi, j'ai vu pleurer Pandora ou Vanessa, je les ai vues se méfier de leurs pouvoirs et de leurs dons, je les ai vues troublées de régner avec si peu de peine sur le monde et sur les hommes. On me dira que j'étais, que je suis, que j'ai toujours été partial. Je dirai que personne ne peut jamais juger personne et que le cœur des êtres humains est plus insaisissable que la mer ou le feu. Je crois que, dès l'enfance, par leur charme et leur dureté, par leurs folies, par leurs mensonges, les quatre sœurs O'Shaughnessy n'ont jamais rien fait d'autre que d'essayer de se défendre.
  • Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, éd. Éditions Jean Claude Lattès, 1986, p. 45


– La beauté…, la beauté… Ce qui compte, voyez-vous, ce n'est ni la beauté, ni le bonheur, ni peut-être le malheur. C'est d'avoir fait quelque chose de sa vie et qu'il en reste un parfum dans le souvenir et dans le cœur.
  • Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, éd. Éditions Jean Claude Lattès, 1986, p. 146


La musique de Verdi émut beaucoup la comtesse. Les souvenirs lui revenaient en foule. Et les souvenirs de Marie étaient pour moi autant de rêves. Après le chœur des esclaves, elle se tourna vers moi dans la loge immense que nous occupions à nous deux :

– Nous sommes tous des esclaves, me dit-elle.
– Les esclaves des autres, lui dis-je. Et les esclaves de nous-mêmes.

– Oui, c'est un peu ça. Des passions des autres et de nos propres passions. Des folies des autres. Et de notre folie à nous.
  • Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, éd. Éditions Jean Claude Lattès, 1986, p. 146


Le bonheur à San Miniato[modifier]

Oh ! Jean ! Qu'est-ce que c'est que cette vie où tout marche de travers, où les plus jeunes meurent les premières, où les amants se quittent, allez savoir pourquoi, où on n'aime pas ceux qu'on aime et où on aime ceux qu'on aime pas ? Est-ce que tu crois, comme l'oncle Winston, qu'il va y avoir la guerre ? Est-ce que tu crois surtout qu'un jour, un beau jour, après tant de plaisirs et de détresse, nous finirons par apercevoir, là-bas, au loin, quelque chose d'obscur et de calme qui sera le bout du chemin ?
  • Le bonheur à San Miniato, Jean D'Ormesson, éd. Éditions Jean CLaude Lattès, 1987, p. 29


Casimir mène la grande vie[modifier]

Jamais le monde n'a été aussi bas, ronchonnait mon grand-père. Aussi veule, aussi médiocre. Il ne croit plus à rien si ce n'est à l'argent. Pour le soulever si peu que ce soit au dessus de lui-même, il faut descendre jusqu'au jeux de ballon qu sont la pâle réplique des jeux du cirque d'autrefois.
  • Casimir mène la grande vie, Jean D'Ormesson, éd. Gallimard, 1997, p. 135


Comme un chant d'espérance[modifier]

Il n'y a qu'un choix, en fin de compte, et tout se joue dans ce choix : entre le néant travaillé par le hasard et Dieu. Nous ne pouvons rien savoir du néant avant le big bang ni du néant après la vie. Les choses sont si bien tricotées que le mur de Planck et le mur de la mort sont également infranchissables. Mais nous pouvons nous faire une idée de ce qui est possible et de ce qui est impossible. Si l'univers est le fruit du hasard, si nous ne sommes rien d'autre qu'un assemblage à la va-comme-je-te-pousse de particules périssables, nous n'avons pas la moindre chance d'espérer quoi que ce soit après la mort inéluctable. Si Dieu, en revanche, et ce que nous appelons — à tort — son esprit et sa volonté sont à l'origine de l'univers, tout est possible. Même l'invraisemblable. D'un côté, la certitude de l'absurde. De l'autre, la chance du mystère.
  • Comme un chant d'espérance, Jean d'Ormesson, éd. Héloïse d'Ormesson, 2014, p. 85


Dieu sans les hommes est un rêve vide, très proche de rien, un néant infini, une éternité d'absence. Il est une invitation à la solitude et à l’orgueil. Il mène à l'intolérance, à une espèce de folie et souvent à l'horreur. Les hommes sans Dieu sont guettés par une autre forme d'orgueil et par l'absurde dans toute sa pureté. Ils sont, eux aussi, sur le chemin de l'horreur et de la folie.
  • Comme un chant d'espérance, Jean d'Ormesson, éd. Héloïse d'Ormesson, 2014, p. 92


J'ai aimé Dieu, qui n'est rien aux yeux des hommes qui ne sont rien. Je n'ai détesté ni les hommes ni les femmes. Et j'ai aimé la vie qui est beaucoup moins que rien, mais qui est tout pour nous. Je chanterai maintenant la beauté de ce monde qui est notre tout fragile, passager, fluctuant, et qui est notre seul trésor pour nous autres, pauvres hommes, aveuglés par l'orgueil, condamnés à l'éphémère, emportés dans le temps et dans ce présent éternel qui finira bien, un jour ou l'autre, par s'écrouler à jamais dans le néant de Dieu et dans sa gloire cachée.
  • Comme un chant d'espérance, Jean d'Ormesson, éd. Héloïse d'Ormesson, 2014, p. 95


A la fameuse question de Leibniz que nous avons déjà rencontrée sur notre chemin : « Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? », il y a une seule réponse possible : « Parce que Dieu a distingué le tout du rien. » Mais, à l'intérieur de cette réponse, il y a une autre réponse, incluse, subalterne et annexe : « Parce que Dieu a confié à l'homme le tout tiré du rien pour qu'il en fasse un monde où, grâce à l'espace et au temps, à la nécessité et au hasard, l'absence se change en présence et le mystère en raison. » Avec ses sens et sa pensée, l'homme crée une seconde fois le monde tiré par Dieu du néant infini et de l'éternité du rien.
  • Comme un chant d'espérance, Jean d'Ormesson, éd. Héloïse d'Ormesson, 2014, p. 111


La Douane de mer[modifier]

Je lui parlais du silence, de l'oubli, de l'absence. Je lui parlais de l'orgueil, de la tristesse, de la jalousie, de la haine qu'il serait impossible d'inventer si nous ne les connaissions pas. Je lui parlais du souvenir. Je lui parlais de l'espérance. Tout cela, qui lui semblait flou, avait une réalité sur la planète où vivent les hommes et où il a débarqué. Tout cela existait chez nous et n'existait que chez nous. La mélancolie et l'attente sont des spécialités de cette province reculée que nous appelons le monde.
  • La Douane de mer (1994), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-039461-1), p. 53


Je trouve le monde épatant. Il m'amuse à la folie. Je ne sais pas où il va. Et parce que je suis un ignorant, un sceptique, un imbécile, je crois, contrairement à la quasi-totalité de mes contemporains, que l'homme n'est pas le maître de son propre destin, qu'il y a quelque chose au-dessus de lui qui donne un sens à l'univers et que ce qu'il y a de mieux à faire...

– Eh bien, demanda A en penchant la tête d'un geste brusque, ce secret des secrets, dis-moi donc ce que c'est ?

– C'est de faire ce qu'il peut. « Wer immer strebend sich bemüth, den können wir erlösen. »
  • La Douane de mer (1994), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-039461-1), p. 186


Toute vie est amère parce qu'elle se termine par la mort. La vie est une maladie mortelle, à transmission sexuelle, dont on se guérit un peu chaque jour et qui finit par nous emporter. La vie est un prêt gratuit que nous ne pouvons pas refuser, que nous devons toujours rembourser, qui nous est successivement consenti et retiré, et auquel nous tenons plus qu'à tout. Au moins tant que nous vivons.
  • La Douane de mer (1994), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-039461-1), p. 227


Il n'y aurait qu'une chose de pire que de mourir : ce serait de ne pas mourir. Ne me replonge pas dans la vie : elle n'a de prix que parce qu'elle cesse. Tous, ou presque tous, nous avons peur de mourir. Mais une fois dans la mort, dans la paix, dans l'oubli, aurions-nous envie de revenir sur cette Terre ?
  • La Douane de mer (1994), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-039461-1), p. 227


Histoire du Juif errant[modifier]

Il marchait. Il marcha jusqu'à la nuit. Il s'était déjà beaucoup éloigné de la ville lorsque la faim s'empara de lui. Et la soif. Les passions, les ambitions, les idées, les projets ne viennent qu'en seconde ligne. Il faut d'abord boire, et manger, et dormir, et tout le reste. Sans jamais en souffler mot dans les torrents de livres et de films qui nous tombent sur la tête, nous passons notre temps à mener notre corps au garage, à le ravitailler et à le vidanger. De La Princesse de Clèves au Soulier de satin, en passant par Adolphe et par La Chartreuse de Parme, on dirait que nos héros sont munis d'une dispense de trimbaler un corps. Ils n'ont le droit que de faire l'amour parce que l'amour est le lien entre le rêve et la machine. Nous sommes une machine avant d'être un esprit et une âme. Il peut y avoir des machines sans esprit et sans âme. Dans ce monde au moins, il n'y a pas d'esprit et d'âme sans qu'il y ait une machine. Ahasvérus avait soif. Et il avait faim. la nuit tombait. Il aperçut une lumière qui brillait dans une maison. Il poussa la porte après l'avoir frappée de son bâton et il entra dans la maison.
  • Histoire du Juif errant (1990), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-038578-7), p. 117


En désobéissant au Créateur, en découvrant cette force inouïe que représentait le mal, Adam avait donné le départ à quelque chose de plus fort que la Grande Aventure : c'était l'histoire. En maltraitant le Galiléen qui se disait fils de Dieu, Ahasvérus s'était condamné à la parcourir en entier. Il était le second Adam. Lui portait sur ses épaules le poids écrasant du péché perpétuel [...]
Il parlerait toutes les langues. Il aurait toujours dans sa poche assez d'argent pour survivre. Et le cancer, les armes blanches, le pistolet, le poison, la tempête et le feu, la cruauté des hommes et leur justice, le hasard et le destin seraient contraints de l'épargner. L'âge, c'est-à-dire le temps, n'aurait pas prise sur lui. Il avait laissé marcher le Galiléen vers sa mort. Il marcherait lui-même sans fin à travers l'univers. Mais il ne le savait pas encore.
  • Histoire du Juif errant (1990), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-038578-7), p. 174


Je dis que tout s'en va. Je dis que tout meurt et disparaît. Et que quelque chose, pourtant, subsiste, chez ceux qui restent, de ce qui a disparu. Que quelque chose, pourtant, subsiste, chez les vivants, de ce qui a vécu. C'est ce que nous appelons le souvenir. La mort n'est pas la fin de tout puisqu'il y a le souvenir. Les hommes rêvent de fantômes, de revenants, de forces spirituelles et mystérieuses, dont on ne sait presque rien, dont on attend presque tout. Le premier des fantômes, le premier des revenants, la plus formidable des forces spirituelles, vous le savez bien, c'est le souvenir. Rien de plus beau que l'espérance — si ce n'est le souvenir, qui est l'inverse et la même chose.
  • Histoire du Juif errant (1990), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-038578-7), p. 267


Distinguez-vous ce jeu au loin entre le temps et la vie ? Il repose tout entier sur un mystère effrayant : quand il n'y aura plus rien, il y aura eu quelque chose et la mort elle-même n'efface pas le souvenir. Ah ! je ne dis pas grand-chose, non je ne dis presque rien, je dis que tout s'en va et que tout disparaît, je dis qu'il y a une âme du monde et que ce qui a été ne peut pas ne pas être.
  • Histoire du Juif errant (1990), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-038578-7), p. 267


C'est ce flou permanent, c'est ce passez muscade entre le coupable et la victime qui a fait du Juif errant une figure si remarquable et si intéressante qu'elle n'a jamais cessé de séduire écrivains et artistes. Je suis tout le monde et moins que rien. Je suis l'horreur de vivre et tous vos éblouissements.
Je suis aussi la fatigue. la contradiction, et la fatigue. La passion et la fatigue. j'en ai assez de marcher. j'en ai assez d'un monde qui s'imagine toujours avoir tout découvert et qui ne comprend jamais rien. Voilà deux millénaires que je marche sur cette planète où tout se transforme toujours et où rien ne change jamais. C'est ce qui me rapproche des pauvres : les pauvres sont fatigués. Moi aussi.
  • Histoire du Juif errant (1990), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-038578-7), p. 501


Je crois qu'il faut savoir, et quelquefois mourir, pour des choses — comment dire ?... choisies presque au hasard. Non pas tant parce qu'elles sont vraies — qu'est-ce que la vérité ? — mais parce qu'elles vous paraissent, à vous qui ne savez rien, plus belles, plus justes, plus grandes. Non pas tant parce qu'elles sont vraies, mais parce que vous les avez choisies.
  • Histoire du Juif errant (1990), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-038578-7), p. 505


Il vous faudra sans moi découvrir dans ce monde tout ce qui en fait le charme, la drôlerie, l'imprévu, la grandeur. Parce que vous, au moins, avez la chance de mourir et que le temps vous est mesuré. La griserie d'exister n'en sera que plus vive. La répétition perpétuelle de combinaisons qui ne changent guère teinte mes expériences d'un peu de lassitude et d'ennui. Vous, au contraire, la seule chose que vous ayez à craindre, c'est la mélancolie du temps qui passe. Quelle aubaine ! Quel enchantement ! La vie pour vous sera si belle que, malgré les échecs et les souffrances que nous connaissons tous, vous aurez, je vous le dis, un peu de mal à la quitter. Moi qui n'aspire qu'à une mort à jamais refusée, je vous envie de pouvoir partir avant l'horreur et l’écœurement.
  • Histoire du Juif errant (1990), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-038578-7), p. 510


Le rapport Gabriel[modifier]

Le temps, l'espace, la nécessité, la loi règnent sur tout ce petit monde. Ils ne règnent pas sur les autres univers a qui j'ai donné d'autres lois et que les hommes, parce qu'ils vivent dans le temps, sont hors d'état, non seulement d'imaginer, mais même de concevoir. La pensée des hommes est soumise à la même loi qui domine l'univers et c'est pour cette raison qu'ils sont incapables de le comprendre et incapables d'en sortir.
  • Le rapport Gabriel (1999), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2003  (ISBN 2-07-041735-2), p. 39


L'idée que la nécessité n'était peut-être pas nécessaire et que le hasard était un autre nom de ma volonté ne les a pas effleurés parce qu'ils ne voulaient pas qu'elle pût les effleurer. Ils ont choisi n'importe quoi, mais qui restait à leur niveau, plutôt que quelques chose qui risquait de les dépasser. Et ils sont allés jusqu'à reconnaître bruyamment, avec un peu plus qu'une ombre d'affection et de provocation, qu'ils préféraient l'absurde au mystère.
  • Le rapport Gabriel (1999), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2003  (ISBN 2-07-041735-2), p. 47


Le monde est enchanteur, et il est dérisoire. S'il n'y a rien d'autre que le monde, le monde est absurde et il n'a aucun sens. S'il y a autre chose que le monde, le monde ne peut prêter qu'à pleurer ou à rire. J'imagine que, de la-haut, l'Éternel nous regarde et qu'il nous prend en pitié. Jetons-nous dans la mer, bénissons le Soleil, courons dans la montagne, épuisons notre vie qui nous vient on ne sait d'où et jouons à la balle sur les bords du néant et de l'éternité.
  • Le rapport Gabriel (1999), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2003  (ISBN 2-07-041735-2), p. 258


Le temps surtout met sa barrière entre écrivain et journaliste. Le temps — au galop ! au galop ! — a deux propriétés, contradictoires et identiques : le temps passe et il dure. Alors que le journaliste est tout entier du côté du temps qui passe — « J'appelle journalisme, écrit André Gide, ce qui sera moins intéressant demain qu'aujourd'hui » et Péguy : « Rien n'est plus vieux que le journal de ce matin, et Homère est toujours jeune » —, l'écrivain est tout entier du côté du temps qui dure. Rivé à l'actualité, le mot d'ordre du journaliste est l'urgence ; l'écrivain ne pense à rien, si ce n'est à l'essentiel. Et l'urgent, à notre époque, est l'ennemi juré de l'essentiel. « Alors, disait Forain à un ami qui venait de se faire installer le téléphone, alors, on te sonne, et tu y vas. »
  • Le rapport Gabriel (1999), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2003  (ISBN 2-07-041735-2), p. 332


– Quel est l'essentiel ? demanda Gabriel.

– Tu le sais mieux que moi, répondis-je.
– Et quel est l'urgent ?
Je réfléchis un instant.

– C'est de sauver les hommes, lui dis-je.
  • Le rapport Gabriel (1999), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2003  (ISBN 2-07-041735-2), p. 333


Que de belles filles à l'aube ont passé dans ma vie ! Elles me donnaient un vertige qui ne reposait pas seulement sur le désir et le sexe. Elles indiquaient les chemins innombrables qu'aurait pu prendre le destin. Elles étaient les flèches de bois qui guident en montagne le voyageur égaré vers des vallées opposées. Elles étaient les panneaux blancs que la police militaire allemande avait multipliés dans le labyrinthe mystérieux de paris occupé : Kommandantur, Notre-dame, Lazaret, Arc de triomphe... Elles étaient la rose des vents. Elles étaient les carrefours avortés d'une existence de rêve qui ne verrait jamais le jour.
  • Le rapport Gabriel (1999), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2003  (ISBN 2-07-041735-2), p. 404


La gloire de l'Empire[modifier]

L'Empire n'avait jamais connu la paix. Il avait fallu l'édifier, et puis il avait fallu le défendre. Du fond de son histoire montait la rumeur des haches et le sifflement des javelots et les cris des mourants, le soir, après la bataille. Les forêts du nord et de l'est, les hautes montages du sud n'avaient pas suffi à le protéger des attaques et des invasions.
  • Incipit
  • La gloire de l'Empire (1971), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002  (ISBN 2-07-038941-3), p. 15


Au plaisir de Dieu[modifier]

Je suis né dans un monde qui regardait en arrière. Le passé y comptait plus que l'avenir. Mon grand-père était un beau vieillard très droit qui vivait dans le souvenir. Sa mère avait dansé aux Tuileries avec le duc de Nemours, avec le prince de Joinville, avec le duc d'Aumale, et ma grand-mère à Compiègne avec le prince Impérial. Mais c'était à la monarchie légitime qu'à travers tant de désastres, de barricades, de citadelles assiégées, de rebelles triomphants, ma vieille tribu tout entière restait passionnément attachée. Les Lendemains qui chantent aux oreilles des prophètes ne lu disait rien qui vaille.
  • Incipit
  • Au plaisir de Dieu (1974), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-037243-X), p. 13


Dieu, sa vie, son œuvre[modifier]

Il me semble, à travers Dieu, me souvenir enfin de ce que je n'ai jamais su. Et peut-être de ce que personne n'a jamais pu savoir. Il me semble deviner déjà ce qui me restera toujours interdit et fermé par le temps encore à venir. Puisque je participe à la totalité, quelque chose de Dieu palpite dans ce que j'écris. Je l'écris parce que je souffre d'un étrange maladie : j'ai le vertige du monde. Je lutte contre le mal par la vaccination, par l'homéopathie : je prends quelques gouttes de l'océan universel et je les infuse dans ces pages. Au hasard, n'importe comment, en quantités imperceptibles et infinitésimales : traces, comme dit le jargon. Il y a, dans ce livre à la gloire du saint nom, des traces de l'univers, il y a des traces de Dieu.
  • Dieu, sa vie, son œuvre (1981), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-037735-0), p. 155


Ni la peinture ni la musique, ni philosophes ni tragédiens, ni poètes ni romanciers — ni les historiens, bien entendu — n'ont osé abordé le thème du tête-à-tête céleste entre le bien et le mal. Au moment de franchir le pas, on hésite à leur donner tort. L'absence de toute source, de toute espèce de référence autre qu'un sentiment collectif dépositaire de secrets qui remontent à des âges évanouis et mystiques rend la tâche presque impossible. Il faut pourtant répondre à la question fondamentale que les hommes se posent sans l'ombre d'une solution, depuis la nuit de temps : « Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Et à la question subsidiaire : « Pourquoi Dieu a-t-il permis qu'il y ait du mal dans le monde ? » Puisque c'est la réponse à ces deux questions qui constitue l'origine et le sens de ce livre, il n'est plus temps de reculer.
  • Dieu, sa vie, son œuvre (1981), Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2004  (ISBN 2-07-037735-0), p. 286


Odeur du temps[modifier]

Je dois beaucoup à un petit nombre de maîtres et d'amis — des vivants et des morts — qui m'ont fait ce que je suis. Les uns, parce qu'ils m'ont encouragé, aidé, soutenu : les autres, parce que je les ai lus. À beaucoup d'égards imparfait, bâti de bric et de broc, encombré de répétitions inhérentes à son genre, et parfois de contradictions, ce livre est très loin d'être un de ces livres d'amertume que dicte parfois le grand âge que j'atteints à mon tour. C'est un livre de gratitude et d'admiration. L'admiration, de nos jours, n'est pas un sentiment à la mode. Odeur du temps est un exercice d'admiration et de fidélité. Voilà plus de trois quarts de siècle que ce monde où j'ai été jeté par le hasard ou par la Providence n'a jamais cessé de m'éblouir. C'est un peu de cet éblouissement que voudraient transmettre ces pages déjà peut-être, mais à peine, jaunies par le temps.
  • Avant-propos
  • Odeur du temps, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Héloïse D'Ormesson, 2007  (ISBN 978-2-35087-058-8), p. 15


Qu'est-ce qu'ils nous apprennent, Aragon, et Yourcenar, et Borges, et Cioran, et les autres ? Que, selon la belle formule de Pessoa, « la vie ne suffit pas » et que la littérature est là pour nous élever un peu au-dessus de nous-mêmes.
  • Odeur du temps, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Héloïse D'Ormesson, 2007  (ISBN 978-2-35087-058-8), p. 93


Saveur du temps[modifier]

Ce qu'est ce livre au fond, c'est un exercice d'admiration — tempérée, ici ou là, par l'inquiétude ou l'ironie. Admiration pour les hommes, admiration pour les œuvres, admiration pour la beauté du monde. Dans une époque plus portée à la dérision qu'à l'admiration, voilà un défi un peu audacieux. Je le relève sans trop de crainte. Nous vivons une période suffisamment préoccupante pour que, de temps en temps, nous essayions de viser un peu plus haut et de rendre à l'espérance des couleurs trop souvent défraîchies.
  • Avant-propos
  • Saveur du temps, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Héloïse D'Ormesson, 2009  (ISBN 978-2-35087-114-1), p. 13


La crise de la littérature et plus particulièrement du roman, dont chacun parle aujourd'hui avec insistance mais dans le vague, vient d'abord sans doute de l’absence de grands écrivains. Cette absence contraste singulièrement avec la profusion et l'éclat des années 1920 et 1930. Dans un dictionnaire des auteurs de l'entre-deux-guerres, la seule lettre M — privilégiée, j'en conviens — fournissait Mauriac, Maurois, Montherlant, Morand, Maurras, Malraux et Martin du Gard - sans parler des Charles Morgan et des Soomerset Maughan.
  • Incipit
  • Saveur du temps, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Héloïse D'Ormesson, 2009  (ISBN 978-2-35087-114-1), p. 19


Je dirai malgré tout que cette vie fut belle[modifier]

Ils fréquentaient les dieux dont ils descendaient en droite ligne. Et voilà qu'ils se retrouvent en primates, avec des bactéries et des algues pour grands-mères. Ils en savent, bien sûr, beaucoup plus sur l'univers, sur son histoire, sur leur propre personne, ils sont autrement plus puissants qu'hier dans tous les domaines où ils ont roulé de triomphe en triomphe, et l'orgueil les submerge — mais ayant perdu leurs illusions, réduits à leurs propres forces, se méfiant d'eux-mêmes et de leurs pouvoirs toujours croissants, ils ont dégringolé du piédestal où ils s'étaient juchés et ils ont rapetissé.
  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 416


La vérité, c'est que nous sommes trop grands pour nous. Nous sommes déchirés entre notre petitesse et notre grandeur, entre notre misère et notre puissance. Il n'est rien d'impossible au pouvoir d'un esprit enfermé dans un corps destiné à pourrir et qui n'apparaît que pour se hâter de disparaître. Chacun d'entre nous est un roi très puissant, enchaîné, glorieux, misérable, voué à la poussière et dévoré d'espérance.
  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 425


Je crois que derrière le roman de l'univers, avec ses structures si précises et ses rebondissements, et derrière le grand théâtre de la vie, avec son intrigue si bien ficelée, ses dialogues si brillants, ses anecdotes sans fin, son style loué de toutes parts, son mélange si savant de tragique et de comique, il y a comme une puissance inconnue.
  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 433


Il est impossible de se faire une idée, même approximative et figurée, de l'origine de cette abstraction portée à l'incandescence que serait un temps en train d'apparaître et de se mettre à couler. Il n'apparaît pas et il ne coule pas pour la raison la plus simple : il n'existe pas.
Ou, du moins, il n'existe pas en tant que tel. Il n'est pas une réalité. Il n'a pas d'existence propre. Il n'y a pas de temps vide comme il peut y avoir un espace vide. Le temps n'est rien d'autre qu'une dimension — ou plutôt la dimension — nécessaire et universelle de tout ce qui est appelé à exister à partir du big bang.
  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 439


Tout semble se déglinguer de partout. Sa langue surtout, son bien le plus précieux, qui brillait de mille feux et régnait sur l'Europe qui régnait sur le monde, se défait de jour en jour. Confucius le savait déjà à l'époque de Platon et de Sophocle : il faut prendre garde aux mots. Une langue qui faiblit, c'est un pays qui vacille.
  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 448


Dans ce tohu-bohu, je n'ai que trois convictions.
La première est la plus simple et la plus lumineuse : rien n'est plus beau que ce monde passager, si cruel et si gai, éclairé et réchauffé – quelle chance ! – par une étoile que nous appelons soleil et où – quelle chance ! – Il y a de l'eau, des chèvres, des montagnes, des chiffres, des livres, des secrets, ces oliviers et ces éléphants dont j'ai déjà trop parlé, des ambitions, des passions, des idées soudain nouvelles qui éclatent comme des grenades et des rêves de jeunes filles. En dépit de tant de malheurs et de tant de chagrins, c'est un bonheur d'être né.

  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 450


Apparemment opposée à la première, la deuxième a quelque chose de plus sombre : naître, c'est commencer à mourir et la vie que j'ai tant aimée est une espèce d'illusion appelée avec évidence à se dissiper au plus vite et à périr à jamais. Cette deuxième conviction l'emporte de loin sur la première. Avec ses bonheurs et sa tristesse, avec ses drames et ses enchantements, l'existence sur cette terre m'apparaît comme un sas, une sorte de stage, une épreuve, un examen de passage – mais vers quoi ou vers où ?

  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 450


Ma troisième conviction est la moins assurée et la plus contestable. Elle prend la forme d'un pari : je ne crois pas à un hasard qui aurait organisé, avec une rigueur et un génie surprenants, le monde autour de moi, et moi-même par dessus le marché. Malgré tous mes doutes, je mets mon espérance dans une nécessité obscure et dans une puissance inconnue.

  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-017829-2), p. 450


Guide des égarés[modifier]

Plus familière et plus présente que l'air toujours absent, l'eau est aussi plus étrange et plus paradoxale. Elle n'a ni forme ni couleur, mais nous pouvons la voir. Elle n'émet aucun son, mais nous écoutons volontiers sa musique et ses plaintes. Nous pénétrons parfois dans son invraisemblable texture, mais le plus souvent c'est elle qui nous pénètre pour s'installer chez nous où elle règne en maîtresse. A sa forme si instable et secrète jusqu'au miracle nous donnons le nom de « liquide ».

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 31


Le temps existe, bien sûr, puisque nous vieillissons et mourons, puisque tout passe et s'en va. Mais il n'a pas, comme l'espace, une réalité par lui-même. Il n'est pas un fleuve où nous nous plongerions. Mystère profond, il est attaché à la matière et à la vie. Memento mori perpétuel et tout puissant, il est, sur toutes les formes les plus diverses de la réalité et de l'existence, sur toutes leurs facettes et tous leurs fragments les plus infimes, la marque indélébile d'un élan vers la mort et la disparition.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 42


Chacun de nous sort d'un mécanisme physique qui repose sur l'union de deux corps matériels et monte vers la liberté. La vie sort de molécules et de bactéries étrangères à tout esprit et monte — au moins de loin — vers le savoir, l'art, la beauté, la vérité. Le talent, le génie, l'imagination, la bonté sortent d'ovules et de sperme. Et l'univers lui-même sort d'une explosion matérielle avant de monter dans le temps, vers l'histoire, vers la mort au bout du rouleau — et, paradoxe suprême, vers la pensée et l'amour qui unissent la matière et l'esprit. Tout sort de la matière et tout monte vers l'esprit. Comme le monde lui-même, la pensée est une incarnation.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 47


Le mal est une trouvaille de génie qui n'appartient qu'aux hommes. Il est une invention et un prolongement de la pensée.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 49


Ce qu'il y a de plus étrange dans la mort, c'est cette barrière infranchissable qui la sépare de la vie. On dirait un fait exprès. Très loin dans le passé, il y a des millions et des millions de siècles, un mur s'élève tout au début pour nous empêcher de connaître notre origine. Très près dans l'avenir, dans quelques années, dans quelques mois ou peut-être demain, un mur s'élève tout à la fin pour nous empêcher de connaître notre destin.
Nous ignorons d'où nous venons, nous ignorons où nous allons. Nous sommes tous des égarés.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 66, 67


Chacun a le droit, et peut-être le devoir, d'être heureux. Les traités du bonheur et les recettes pour y parvenir sans trop de peine en quelques leçons ont fleuri un peu partout. J'ai contribué moi-même à cet engouement collectif et un peu forcé. Peut-être faut-il rappeler que la recherche frénétique du bonheur ouvre le chemin le plus sûr vers l'échec et le dégoût. Le bonheur n'est pas un but, encore moins une carrière ou une obligation, mais un don gratuit, une surprise ou la récompense de ceux qui ne passent pas leur temps à le cultiver. Le bonheur n'est pas un exercice narcissique et solitaire. Il tombe, comme par hasard, sur la tête et dans le cœur de ceux qui, loin de s'occuper d'eux-mêmes, s'occupent plutôt d'autre chose — et des autres.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 72


Le progrès est une réalité. Le progrès est une évidence. Le progrès est une idole. Le progrès est un mythe. Tout passe, tout évolue, mais tout reste semblable. Le prince Salina, dans Le Guépard de Lampedusa revu par Visconti, l'avait déjà déjà deviné : rien ne change jamais que pour mieux se poursuivre.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 79


Une bonne partie, et la plus bruyante, de l'art d'aujourd'hui s'est détournée de la beauté. Une œuvre d'art a encore le droit d'être belle. Elle peut aussi nourrir des ambitions différentes. Au lendemain de deux guerres mondiales et de la crise économique, avec les progrès de la science et la crainte de l'avenir, après Rimbaud, Joyce, Picasso, Charlie Chaplin d'un côté, Barnum, la radio, le cinéma, la télévision de l'autre, le rejet, le combat, la fureur, une éthique parfois inversée ont pris la place de l'admiration, inséparable de la beauté. Les médias et l'argent ont détrôné la reconnaissance par les pairs et la gloire. Les metteurs en scène l'ont emporté sur les auteurs. Le commentaire sociologique s'est emparé de l'art.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 90


Le problème avec la vérité, qui est adéquation de la pensée et de la réalité, conformité du langage au monde et à son histoire, c'est qu'elle ne cesse de se dérober. Elle se situe volontiers sous l'invocation de la formule célèbre d'un procureur de Judée au temps de l'empereur Tibère : « Qu'est-ce-que la vérité ? »
Il n'y a de beauté que parce qu'il y a des hommes pour la percevoir. Il n'y a de vérité — de mensonge — que parce qu'il y a une pensée et un langage pour la découvrir — ou la dissimuler. Inséparable de l'expression sous forme de voix ou d'écriture, elle est aussi liée au mal qu'elle affronte et qu'elle dissipe. Assoiffée de reconnaissance, elle est fragile et toujours prête à la bataille.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 93


Au-delà des bouleversements de la science, de la technique, des mœurs, de la religion qui déboussolaient les esprits, le découragement des citoyens, le désarroi des consciences, le fameux malaise dans la civilisation n'étaient peut-être rien d'autre que les manifestations de la crise de la vérité.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 98


Les chrétiens ont deux convictions, et peut-être seulement deux. Ils croient à Dieu comme source et comme sens de l'univers. Et ils croient à un homme nommé Jésus en qui leur Dieu s'est incarné et qui enseigne conjointement l'amour de Dieu et l'amour des hommes. Puisque Dieu a choisi, dans sa puissance et dans sa gloire, de prendre visage humain, un peu de divinité est descendue sur ses créatures. Dieu se confond avec l'homme. L'homme se rapproche de Dieu. Le christianisme est une théologie, mais est aussi un humanisme.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 114


La Conversation[modifier]

Bonaparte : J'ai l'imagination républicaine et l'instinct monarchique. Je veux rétablir une monarchie qui soit républicaine. Et ma République à moi est romaine, militaire, guerrière, conquérante. Mon modèle n'est pas Versailles, mon modèle est Rome. Et mon modèle n'est pas les Bourbons, mon modèle est César.
  • La Conversation, Jean d'Ormesson, éd. Héloïse d'Ormesson, 2011  (ISBN 978-2-35087-174-5), p. 90, 91


Cambacérès : Vous avez réponse à tout. Vous êtes au-dessus des autres hommes. Dans les temps antiques, vous auriez, comme Alexandre, été un demi-dieu, un fils du roi des dieux.
  • La Conversation, Jean d'Ormesson, éd. Héloïse d'Ormesson, 2011  (ISBN 978-2-35087-174-5), p. 102, 103


Bonaparte : L'imagination gouverne le monde. Elle est mon bien le plus précieux. Je ne connais pas plus l'avenir que vous ou le commun des mortels. Mais, appuyé sur une réflexion constante et sur des souvenirs qui sont nombreux et précis, je le prépare avec beaucoup de soin. Je suis toujours tout entier à ce que j'ai à faire. Mes idées et mes projets, je les prends par le cou, par le cul, par les pieds, par la tête, et je les examine sous toutes leurs faces et je n'abandonne que quand je les ai épuisés. Du coup, ce que j'ai arrêté dans ma pensée, je le regarde comme déjà exécuté et je suis moins ému au moment de la réalisation de mes desseins qu'au moment de leur conception.
  • La Conversation, Jean d'Ormesson, éd. Héloïse d'Ormesson, 2011  (ISBN 978-2-35087-174-5), p. 114, 115


Une fête en larmes[modifier]

Je crois que le monde change, je crois qu'il ne cesse de changer et de rester le même, je crois que les hommes progressent et qu'ils montent vers quelque chose d'inconnu qui ressemble à l'espérance et d'où le mal ne sera pas extirpé. Il est aussi ridicule de nier le progrès que de le parer de toutes les vertus.

  • Une fête en larmes, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2005  (ISBN 2-221-10483-8), p. 44


Je suis de ceux qui croient à un péché originel et à la présence d'un mal qui rentrera par la fenêtre quand on l'aura chassé par la porte. C'est ce monde-là qu'il nous faut non seulement supporter, mais aimer et dont il faut s'amuser.

  • Une fête en larmes, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2005  (ISBN 2-221-10483-8), p. 72


– À quoi ? demanda Clara avec une ombre d'insolence.
– Mais à la mort, lui dis-je. Ne le savez-vous pas ? Tout finit. Les amours éternels finissent aussi par finir. Vous finirez. Je finirai. Je suis près de finir. Vous êtes loin de finir parce que vous êtes jeune. Mais vous finirez aussi. C'est un malheur. Et, en un sens, c'est une chance. On peut dire que, sous le soleil et au-delà du soleil, tout est triste et mal parce que tout finit. On peut dire aussi — et c'est pire, et c'est encore plus triste — que tout est bien : parce que tout finit.

  • Une fête en larmes, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2005  (ISBN 2-221-10483-8), p. 156


C'est pour vous rappeler à la réalité. L'amour lui-même, qui est une des rares choses auxquelles nous puissions, dans cette vallée d'erreurs et de larmes, dans cette galerie de faux-semblants, être tentés de croire, est frappé de malédiction. Il l'emporte de très loin sur toutes les bassesses du monde — mais il lui appartient encore : il en partage la misère. Reflet du sacré, il est un rêve, une nuée, une illusion scintillante. Un peu plus haut que tout le reste, il est une des facettes les plus brillantes et les plus enivrantes du néant de ce monde.

  • Une fête en larmes, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2005  (ISBN 2-221-10483-8), p. 159


Plus sûrement que toute autorité, légitime ou non, la démocratie, le vote, le socialisme, l'impôt ont tué la révolution qui jouissait d'une santé insolente dans l'opposition à la monarchie ou à la dictature, au moins tant qu'elles étaient faibles ou dès qu'elles le devenaient — et toutes les dictatures finissent, à un moment ou à un autre, par se relâcher et s'affaiblir. Nous sommes entrés dans un monde non seulement unifié et très petit, mais souple, fluide, presque livide, malléable jusqu'à l’inexistence et demain virtuel. Ce qui a pu faire naître la conviction que l'histoire est finie, avec ses idées de permanences et de réalité, ses structures, ses institutions, et qu'elle laissait la place à autre chose.

  • Une fête en larmes, Jean d'Ormesson, éd. Éditions Robert Laffont, 2005  (ISBN 2-221-10483-8), p. 196


Et moi, je vis toujours[modifier]

Ce qu'il y a de merveilleux avec la guerre de Troie, c'est que, contrairement à la règle qui veut que l'histoire soit la mère de la poésie, c'est ici de la poésie que surgit enfin l'histoire. Presque tout ce que vous savez de la guerre de Troie sort de l'Iliade d'Homère — dont nous ne savons pas grand-chose, pas même s'il a vraiment existé. L'Iliade de ce poète inconnu, peut-être aveugle, peut-être légendaire, mais en tout cas génial, est la source de tout un pan immense de l'histoire universelle.


Avec Héraclite à Éphèse et Parménide en Grande-Grèce, l'oiseau de minerve, sa chouette, son hibou — la philosophie prend son envol. Pour Héraclite, tout passe, tout change, rien ne dure. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. L'univers n'est qu'une succession d'illusions éphémères. Pour Parménide, c'est le contraire. Le monde est solide et dense. Un mot le résume : l'être. L'être est, un point c'est tout. Beaucoup s'imaginent qu'il peut y avoir un néant, du non-être. C'est une erreur. L'être est. Le non-être n'est pas et il ne faut pas en parler. Toute l'histoire de la philosophie à venir sort de l'opposition entre Héraclite et Parménide. Platon et Spinoza seront du côté de Parménide et de sa substance infinie et éternelle. Hegel et Marx seront du côté d'Héraclite. Ils reconnaîtront en lui le maître de la dialectique.


Nous devons tout à la Grèce et à Rome. Et pourtant, tout au long de ces siècles de puissance et de gloire, un seul événement, le plus inaperçu d'abord et le plus décisif sans doute de l'histoire des hommes, s'inscrit soudain dans l'espace et le temps : un enfant naît sous le règne d'Auguste.


L'histoire prend souvent des chemins détournés pour parvenir à son but. Dieu se sert de lignes courbes pour écrire très droit. Ce ne sont pas les empereurs, ce ne sont pas les puissants de ce monde, ce ne sont pas les riches dont Jésus ne dit pas de bien qui font triompher le christianisme. Ce sont les pauvres, les esclaves, les femmes — et les barbares.


Corneille, si je ne me trompe, c'est un théâtre d'hommes avec des femmes ; Racine, c'est un théâtre de femmes avec des hommes. Chez Corneille, la volonté l'emporte sur la passion ; chez Racine, la passion l'emporte sur la volonté. Corneille nous montre des héros triomphants ; Racine, des victimes condamnées. Pour Corneille, la tragédie est une grande aventure héroïque qui peut finir bien ; pour Racine, c'est une aventure personnelle et intime qui ne peut finir que mal.


Le miracle français était politique, économique et militaire. Il était surtout littéraire, intellectuel, artistique et culturel. Il était lié à des victoires, au commerce, à l'industrie, à la multiplication des ateliers, au savoir-faire de nos artisans. Il reposait d'abord sur l'usage et le triomphe d'une langue qui allait devenir la langue de l'Europe et donner à la France, pour un siècle, et peut-être pour un peu plus, le premier rang dans le monde.


Le XVIIe est un siècle d'écrivains. le XVIIIe est un siècle d'intellectuels.


Dans beaucoup de régions, et notamment dans cette Europe qui continue à régner sur le monde, la bourgeoisie domine les deux siècles qui succèdent à l'Ancien Régime, à la Révolution et à l'Empire. Beaucoup de définitions ont été données du bourgeois. Il est réservé et il a des réserves. Il ne s'engage jamais tout entier. Il a plus d'intérêts que d'idéal. Il aime le confort et il est conformiste. Il est prudent, sûr de lui, parfois chafouin, affolé de culture, près de ses sous. Il se réclame d'un passé d'ailleurs plutôt récent, d'un art souvent moderne pour essayer de donner le change, de la tradition, de la beauté. Il tente toujours de passer pour audacieux, mais il craint l'avenir, les artistes et l'amour. Il est plus familier des banques et des assurances que de l'agriculture et de la pêche en haute mer. Tout tient en un seul mot : l'argent. Orgueilleux et hautains, les aristocrates méprisaient un argent dont ils manquaient rarement. Les bourgeois ont un faible pour l'argent — même celui qu'ils n'ont pas et après lequel ils ne cessent jamais de courir.


Déclenchée par un fait divers presque dérisoire, qui sert de prétexte à des haines recuites, la Grande Guerre est une guerre civile aux dimensions mondiales. Dénoncée par un petit nombre de grands esprits qui, d'un côté comme de l'autre, passent aussitôt pour des traîtres, elle va provoquer de grandes souffrances dans les deux camps, entraîner la mort de plus huit millions d'êtres humains et ouvrir la voie au déclin de l'Europe.


Essais[modifier]

Une autre histoire de la littérature française, II[modifier]

Villon, écrit Kléber Haedens, est le seul cambrioleur professionnel qui ait légué une grande œuvre à la littérature française. C'est un mauvais garçon, un marlou, un truand, un assassin. Il est, avec un talent qui touche parfois au génie, l'ancêtre de nos délinquants des quartiers difficiles. Il annonce de loin Jean Genet, déserteur et voleur.
  • Une autre histoire de la littérature française, II, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « folio », 1998, p. 13


Qu'est-ce qui est au cœur de Marguerite Yourcenar ? Je dirais deux choses surtout. Commençons par la moins importante : le savoir, l'érudition, une connaissance approfondie de l'histoire de la culture.[...]
L'essentiel de Yourcenar est pourtant encore ailleurs. Il est dans une exigence qui va à contre-courant des tendances de l'époque. Pour dire les choses d'un mot, elle se méfie du bonheur. Elle méprise le bonheur et elle lui oppose le service, qui est peut-être le mot clé de sa personne et de son œuvre.

  • Une autre histoire de la littérature française, II, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « folio », 1998, p. 354


Le désenchantement ne réclame pas de longues tartines. Ce que le chagrin fait de mieux, c'est de se murer dans son silence. Cioran coupe en deux la poire du désespoir. Il ne se répand pas, à la façon de Rolla ou de Childe Harold, en lamentations lyriques, il ne se tait pas non plus tout à fait : il procède par coups de semonce, par éclats mesurés, par proverbes plus noirs que ceux de Blake ou de Pierce qui se réclamaient pourtant du diable, par aphorismes et apophtegmes.

  • Une autre histoire de la littérature française, II, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « folio », 1998, p. 384


Presse[modifier]

La culture, depuis peu, s'écrit avec un « C » majuscule — ce n'est pas bon signe — on parle de Culture et Communication — on pense Culture et Propagande. La culture est devenue un grand mot et une préoccupation médiocre. Quand j'entends parler de culture, je sors mon carnet de chèques. Disons d'abord — ce sera plus court — ce que la culture n'est pas. Elle n'est pas un devoir. Elle n'est pas une obligation. Elle n'est pas un dîner de gala. Elle n'a rien à voir avec le gouvernement. Elle serait plus proche d'une façon d'être, d'un coup de foudre, d'une fête toujours inachevée du bonheur — ou peut-être de joie. Elle est une longue patience et une tâche infinie — comme l'amour chez Proust, elle est l'espace et le temps rendus sensibles au cœur. Elle est plus orgueilleuse et plus modeste que tout ce que l'on pourrait imaginer.
  • « La culture vivante », Jean d'Ormesson, Grandes signatures, nº 1, avril 2008, p. 7


L'islam est une belle et grande religion. Son prophète est l'un des hommes très rares qui ont bouleversé le monde et transformé de fond en comble le destin des hommes.
  • « La Chronique du temps qui passe », Jean d'Ormesson, Le Figaro Magazine, nº 13827, 11 février 1989, p. 9


L'islam est une grande et belle religion. Il faut la reconnaître, la respecter, l'honorer.
  • « L'appel de Jean d'Ormesson pour les Chrétiens d'Irak », Jean d'Ormesson, Le Figaro, 2 août 2014 (lire en ligne)


La civilisation musulmane est à l'origine de quelques-unes des plus belles réalisations du génie humain. Daech déshonore cette grandeur de l'islam.
  • « « Nous sommes en guerre » », Jean d'Ormesson, Le Figaro, 22 décembre 2014 (lire en ligne)


Émission[modifier]

Est-ce que vous voulez qu'on dise des choses un peu dangereuses. Et bien, je dirais que je souhaite aussi que nous fassions la même chose dans les années qui viennent avec les musulmans. Je vais me faire incendier, l'islam n'est pas représenté à l'Académie. Il serait normal que l’islam soit représenté à l’Académie française. Je pense que cela se fera. Il faut laisser un peu de temps. L'Académie est une vieille dame, qui a beaucoup de mal à accueillir de nouveaux jeunes gens [...] Je serais heureux qu'il y ait un représentant de l'islam.
  • Commentant l'entrée d' Alain Finkielkraut à l'Académie française, l'écrivain et académicien Jean d'Ormesson en a profité pour formuler un souhait: celui de voir un représentant de l'islam intégrer cette prestigieuse institution
  • Jean d'Ormesson, Entretien avec Jean d’Ormesson, Public Sénat, 28 janvier 2016


Citations rapportées[modifier]

On ne brûle pas encore les livres, mais on les étouffe sous le silence. La censure, aujourd’hui, est vomie par tout le monde. Et, en effet, ce ne sont pas les livres d’adversaires, ce ne sont pas les idées séditieuses que l’on condamne au bûcher de l’oubli : ce sont tous les livres et toutes les idées. Et pourquoi les condamne-t-on ? Pour la raison la plus simple : parce qu’ils n’attirent pas assez de public, parce qu’ils n’entraînent pas assez de publicité, parce qu’ils ne rapportent pas assez d’argent. La dictature de l’audimat, c’est la dictature de l’argent. C’est l’argent contre la culture (…) On pouvait croire naïvement que le service public avait une vocation culturelle, éducative, formatrice, quelque chose, peut-être, qui ressemblerait à une mission. Nous nous trompions très fort. Le service public s’aligne sur la vulgarité générale. La République n’a pas besoin d’écrivains.
  • Dans le Figaro du 10 décembre 1992, à propos de la suppression par FR3 de l’émission littéraire Caractères.


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